Trois mois après avoir publié notre première enquête sur la Coulisse de la vie politique calaisienne, Emmanuel Agius, bras droit du maire Natacha Bouchart depuis son accession à la tête du Beffroi en 2008, a fini par démissionner de tous ses mandats. Pour rappel, il était 1er adjoint au maire, vice-président de l’agglomération, président de Terre d’Opale Habitat, membre de divers organismes publics, la plupart appointés, et conseiller régional. Le recordman 2021 des indemnités des Hauts-de-France (+ de 11 000 euros par mois en 2021) a été mis en retrait, puis a quitté toute fonction. En partant, il n’a pas oublié de m’agonir personnellement. Sa colère et son déni des faits les plus élémentaires que nous avons révélés ne nous détourneront évidemment pas de notre travail : informer les gens. Une autre manière de servir l’intérêt général, qui nous renvoie encore une fois à la plage…rue Alice Marie.
Objet de toutes les conversations en ville depuis des semaines, les affaires ont déjà leurs premiers impacts politiques : une réorganisation de l’équipe municipale qui planchera en séminaire le 16 mars. Qui pour devenir premier adjoint ? Nos sources convergentes formulent le tiercé suivant : Pascal Pestre, actuel adjoint à l’attractivité du territoire ; Philippe Mignonnet, adjoint à la sécurité ; et le tout jeune Julien Cordenos, adjoint aux finances. Dans tous les cas, quelqu’un sur qui Natacha Bouchart devra compter pour terminer les deux dernières années de ce mandat.
Aujourd’hui 11 mars, à 14h30, le désormais célèbre bailleur Terre d’Opale Habitat (TOH) réunit son Conseil d’Administration pour élire son nouveau président après la démission d’Emmanuel Agius. Ainsi, la vice-présidente, Natacha Bouchart, devrait passer dans les prochaines heures à la présidence d’un office dans la tourmente. En attendant la réorganisation de son équipe, le maire de Calais monte au front sur le dossier Immobilier. D’ici le contrôle de l’ANCOLS (autorité de contrôle des bailleurs sociaux en France), elle aura fort à faire. Recadrer son équipe et se plonger dans les dernières ventes du bailleur social. En particulier à la plage dans la fameuse résidence Delta.
Elle pourra se pencher sur le cas de l’appartement numéro 5 du 59 rue Alice Marie. Celui-ci a été acquis « libre de location ou occupation », par acte de vente signé le 6 septembre 2021 chez maître Arnaud Delfly, par un quadragénaire calaisien : Mickaël (prénom d’emprunt). Employé à la mairie depuis plusieurs années, il est le chauffeur de Natacha Bouchart. Un chauffeur avec de nombreuses contraintes professionnelles vu l’agenda souvent chargé du maire de la plus grande ville du département. Des amplitudes d’horaires et un rythme de travail qui l’ont conduit à procéder à une rupture conventionnelle il y a quelques semaines. « Il en avait plein les bottes de sortir le chien de madame le maire » disent les mauvaises langues. L’homme est en voyage (bien mérité) depuis son départ de son poste et n’a pas souhaité nous répondre.
73 000 € pour 58 m²
Son appartement situé au premier étage comprend « un dégagement avec placard, un séjour avec balcon, une cuisine, une salle de bain, un WC, une chambre (…) un emplacement de stationnement ». En tout, 58 m² acquis pour la somme de 73 000 euros ; comme les proches d’Emmanuel Agius. Soit bien en dessous du prix du marché : les notaires notaient en 2023 un prix moyen d’environ 2 000 € au m² pour des appartements anciens à Calais.
Contrairement aux Chavatte, l’acquéreur emprunte près de 90 000 euros pour financer l’opération, le paiement du notaire et quelques travaux. Pour autant, l’appartement en question semble être bien isolé vu son classement énergétique (C). Victime d’une probable étourderie, le notaire oublie de mentionner la cave… Dans un acte postérieur (20 avril 2022), l’erreur est rectifiée et la cave réintégrée. Comme à son habitude, le directeur général de TOH Hans Ryckeboer n’est pas présent lors de la signature de l’acte.
Quelques semaines avant la signature de l’acte de vente, la ville a indiqué au bailleur qu’elle ne fait pas usage de son droit de préemption. Le document précise aussi que TOH et l’acquéreur n’ont pas eu recours à un intermédiaire pour faire affaire. Comment celle-ci s’est-elle déroulée ? Le bien a-t-il été proposé aux locataires de l’office et aux salariés avant le chauffeur du maire ? Nous n’avons pu en savoir plus devant le silence de l’office public. Natacha Bouchart est-elle intervenue pour pousser la candidature de son chauffeur ?
Elle s’en défend : « je suis effectivement vice-présidente de TOH depuis de nombreuses années (…). Mais comme je l’ai rappelé à plusieurs reprises, je ne participais à aucune réunion. En revanche, en tant que maire, je suis très régulièrement sollicitée par des Calaisiens pour des demandes de logement ou de travaux au sein du parc de TOH. Systématiquement, j’interviens auprès des bailleurs pour appuyer ces requêtes et faire en sorte que chacun obtienne une réponse et, quand cela est possible, satisfaction. Il n’est donc nullement question d’avantages personnels. S’agissant de mon cabinet, aucun ne m’a sollicitée pour acquérir un logement de TOH » nous a-t-elle répondu ces derniers jours.
Dont acte. Il restera tout de même un parfum de favoritisme dans l’esprit des calaisiens que la nouvelle présidente de TOH devra dissiper rapidement pour retrouver la confiance des locataires. Et plus généralement des calaisiens.
Morgan Railane, directeur de la rédaction d’Aletheia Press
Nota Bene : Suite à nos nombreuses sollicitations, Hans Ryckeboer, directeur général de TOH nous a (enfin) répondu : « je ne suis pas autorisé par le Conseil d’Administration de TOH pour vous communiquer des éléments de réponses à vos questions ».
Rappel des épisodes précédents
- #1 A Calais, une BMW pour le président ?
- Affaire de la BMW : mise au point
- #2 D’une berline à des garages en or
- #3 Au pressing de Terre d’Opale Habitat…
- #4 A Calais, le bras droit de Natacha Bouchart fait de bonnes affaires en famille
- #5 Une nouvelle affaire embarrassante pour Emmanuel Agius
- #6 Calais : un coin d’ombre sur la plage